SECURISATION DES PARCOURS PROFESSIONNELS

Publié le par Patrick LEBORGNE

 
 
La sécurisation des parcours professionnels
 
1ère partie
 
 
                  Personnellement, je n’ai pas regardé les voeux du Président de la République (j’avais franchement mieux à faire). Ma surprise fut grande d’entendre les commentateurs politiques se faire écho des propos de notre grand démagogue sur un sujet qui nous est particulièrement cher, à nous socialistes, et notamment à tous ceux qui ont participé aux travaux de la Commission Nationale Entreprise, sur la nécessité d’une « Sécurisation des parcours Professionnels ». Pour paraphraser une publicité dont je ne citerai pas le nom : « vous en rêviez, Chirac l’a fait ».
 
                  Mais de quoi parlons nous. Chirac aurait il pris sa carte à la C.G.T.? J.C. LE DUIGOU et M. DUMAS ont du tomber de leur chaise. Il m’a semblé utile de réinterroger cette question, à l’heure où nous préparons notre programme présidentiel, et de démonter la tentative de récupération d’une droite libérale en mal de « social », pour ne pas dire « d’humain » dans les conséquences sur les salariés de la mondialisation galopante.
 
                  Je ne m’aventurerai pas à essayer de suivre le raisonnement présidentiel, j’aurai trop peur de me perdre dans les méandres d’un esprit tordu. Mais il faut reconnaître la force de J. CHIRAC, pour récupérer des idées aujourd’hui largement en phase avec la société, pour mieux les détourner à son profit. Encore faudrait il que derrière les mots, nous puissions mettre les mêmes réalités. Et là, j’ai une certitude : nous ne parlons pas de la même chose.
 
                  Nous partons néanmoins du même constat : l’économie mondialisée se caractérise par une montée de l’instabilité et de l’incertitude. Les salariés sont donc appelés à connaître, au cours de leur vie, des instabilités et des ruptures en nombre croissant. Il faut, en conséquence un nouveau cadre à l’exercice de l’activité professionnelle, capable de concilier changement économique et continuité sociale, ou encore « flexibilité » et sécurité. C’est donc bien de l’avenir du travail salarié qu’il s’agit, là s’arrêtent nos convergences de vue.
 
 
 
                  Cette problématique a pris forme et contenu dans le courant des années 90. Inspirée des exemples hollandais puis danois, elle a inspiré toute une famille de projets, aux contenus et perspectives variées, et parfois totalement contradictoires (nous y reviendrons). Mais l’idée générale, et pas toujours très généreuse qu’il faut développer une « flexicurité » est devenue une tarte à la crème dans l’Union Européenne. Pas étonnant alors que notre Président, peut être pour savonner quelques planches à son bien-aimé Ministre de l’Intérieur, s’engouffre dans ce qui est devenu un lieu commun.
 
                  Dans son rapport pour l’emploi 2005 – 2006, la Commission de Bruxelles écrivait par exemple « Les programmes nationaux de réforme ne contiennent pas encore systématiquement de stratégies générales visant à améliorer la capacité d’adaptation des travailleurs, y compris la mobilité de la main d’œuvre.
 
                 
 
 
                  Les Etats membres devraient traiter de la flexibilité en la conciliant avec la sécurité de l’emploi et réduire la segmentation du marché du travail, de manière à répondre aux besoins des entreprises et des employeurs. (en gras dans le texte) Dans ce contexte, la Commission se penchera, conjointement avec les Etats membres et les partenaires sociaux, sur l’élaboration d’un ensemble de principes de flexicurité commune. Ces principes pourraient servir de cadre de référence utile dans le contexte de la mise en place des marchés du travail plus ouverts et plus réactifs et de lieux de travail plus attrayants et plus productifs » (Commission Européenne « rapport conjoint sur l’emploi 2005 2006. Des emplois plus nombreux et de meilleurs qualité : concrétiser les priorités de la stratégie européenne pour l’emploi » oct. 2006)
 
                  En matière de politique de l’emploi, la flexicurité est ainsi devenue un lieu commun et un mot d’ordre en Europe. Ce succès appelle un examen attentif et d’abord celui de la réalité de l’instabilité croissante de l’emploi à laquelle la sécurité sociale professionnelle est censée répondre.
 
 
 
                  Les données statistiques semblent étayer ce constat. Les formes d’emploi précaire (CDD, intérim, stages, etc.) progressent au détriment de l’emploi stable : le contrat à durée indéterminée. Le nombre de salariés en CDD a triplé en 20 ans en France, celui des intérimaires à quintuplé et l’ensemble des CDD, intérim contras aidés rassemble aujourd’hui plus de 2 millions de salariés soit près de 10 % des salariés français, contre 2,5 % en 1982. Dans les secteurs marchands, le taux de rotation du personnel croît régulièrement dans notre pays et dépasse maintenant 40 % dans les entreprises de plus de 10 salariés (hors missions d’intérim). Les CDD représentent 66 % des embauches, 55 % des sorties d’emploi, 25 % des entrées au chômage.
 
                  Persistance d’un chômage massif, incertitudes croissante de l’environnement économique, intensification de la concurrence, d’une manière générale, auquel il faut ajouter pour certains la faiblesse de la croissance, pour d’autres les 35 heures, le bouc émissaire pratique, surtout en période électorale, sont les explications avancées pour rendre compte du fait que les entreprises n’accordent plus la même place aux emplois durables qu’au temps où dominait la régulation fordiste.
 
 
                  Or toutes les études récentes tendent à atténuer le diagnostic d’une montée de la précarité en montrant que le risque de perdre son emploi a peu augmenté en longue période, ou encore que l’ancienneté moyenne dans l’emploi n’a pas baissé. Pour résumer, il semble (sur une période de 20 à 30 ans) la montée du chômage et des emplois précaires a peu accru le risque pour un salarié en place de connaître le chômage, mais elle a réduit ses chances d’en sortir. Autre façon de dire que la durée du chômage s’est quand à elle beaucoup accru, ou qu’en augmentant, le risque global de chômage s’est fait plus inégal. En France, comme ailleurs en Europe continentale, le marché du travail se caractériserait par es échanges plutôt rares entre emploi et chômage, à l’inverse des pays anglo-saxons – trait que les libéraux néoclasiques relient volontiers au niveau relativement élevé de la protection sociale et de l’emploi (nos fameuses « rigidités »)  dans notre pays.
 
 
                  Pour reprendre une synthèse de ces travaux (note lasaire n°10), on pourrait dire que « la perception du risque –autrement dit le sentiment d’insécurité professionnelle- par les actifs serait d’autant plus aiguë que les conséquences de la perte d’emploi (évaluées à l’aune de la durée attendue du chômage » sont plus lourdes. En outre, dans un marché du travail segmenté, l’emploi précaire est plus souvent perçu comme un corollaire du chômage que comme un marchepied vers l’emploi durable ; Et pour les catégories les plus exposées (débutants, salariés âgés, salariés peu qualifiés, femmes) la mobilité professionnelle passe de plus en plus par l’emploi précaire et le chômage ».
 
 
                  Face à cette situation, de nombreux dispositifs ont été imaginé et mis en œuvre par les pouvoirs publics et/ou les partenaires sociaux pour répondre à la montée du chômage. A bien des égards, on pourrait (et certains ne s’en privent pas) les considérer comme des ébauches de ce qui devrait ou pourrait être un régime de sécurité sociale professionnelle à vocation universelle. Force est de constater que, malgré les bidouillages statistiques, les réponses sont loin d’être à la hauteur des enjeux …….
 
                                                                                          A suivre
 
 
                                                                                          Vincent BAUDOIN

                                                                                          Cap à Gauche 35

Publié dans capagauche35

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